Par LeBeauSon – Juin 2024

NEODIO TMA : l’intégré à transistors qui mérite de devenir un tube.

Par LeBeauSon.
Article original  : https://www.lebeauson.fr/a-l-oreille/270-neodio-tma-integre-a-transistors-qui-merite-de-devenir-un-tube

Perception d’ensemble

Allégresse, autorité sereine, disponibilité permanente, transparence, constance de densité sur quelque écart dynamique que ce soit… Autant d’atouts qui font du nouvel intégré du fabricant bordelais Neodio un must de satisfactions, rendu plus essentiel encore par un prix très contenu ! Un p’tit Diamant sur Canapé ? Zou…
NB : Code couleur pour ce banc d’essai : Orange  (catégorie de 3 200 à 6 500 €) – Le TMA est proposé à 4 900 €

Neodio, l’air de rien, ça doit bien faire 15 ans qu’on connait. Je n’ai jamais su compter, je ne vais pas commencer maintenant. Nous avions à l’époque apprécié ses amplificateurs intégrés NR et suivi depuis ses abondantes idées avec curiosité et souvent un vif intérêt.

D’autant que, depuis quelques années maintenant, d’abord avec la série Origine puis désormais le Blue Programme, Stéphane Even défend l’idée d’un écosystème complet, complémentaire et cohérent. Pas seulement par le rendu sonore, mais aussi par la volonté de respecter l’environnement, produits durables, attention portée aux matériaux, aux circuits courts d’approvisionnement (fabrication en France évidemment) et à la pérennité. A ce propos, l’appareil en test est garanti 10 ans.

Le Blue Programme pour l’instant, c’est : un intégré, le TMA (The Minimalist Amplifier), l’objet de ce banc d’essai, un amplificateur de puissance quasi identique, le HQA (High Quality Amplifier), une nouvelle série de câbles, modulation, HP, secteurs appelée Fractal, des « purificateurs » acoustiques, les B2 et des supports pour enceintes « Harmonie ».

Comme toujours chez Neodio, le design de l’appareil est soigné, harmonieux… et réussi.

Châssis et façade noirs ; l’instrument est posé sur trois pieds en Delrin, matériau aussi utilisé pour l’arrière. Une fine bande de cuivre coupe la longueur de la façade au quart bas de l’appareil englobant un petit bouton (le sélecteur) et un plus gros (le volume, manuel).

Le commutateur on/off est judicieusement caché sous l’appareil. A l’avant.

4 entrées lignes asymétriques (RCA) à l’arrière, les sorties HP uniquement accessibles par des bananes. Point final.

– « Pour les légumes, j’ai tout ce qu’il faut » …

… crie dans son téléphone un monsieur qui passe sous ma fenêtre. Il parle si fort que je suppose qu’il souhaite que tout le monde le sache, donc je transmets le message : pour les légumes, il a tout ce qu’il faut.

Reprenons : minimaliste, le TMA ? Je ne sais pas, sobre sans aucun doute.

Techniquement, sur le papier rien de révolutionnaire au profit d’une mise au point attentionnée fondée sur des décennies d’expérience pour créer un appareil dont le schéma est dépouillé (la quintessence de l’art ?), prévu pour durer, les composants sélectionnés parmi les impérissables ou remplaçables facilement par des équivalents sûrs issus du vaste drugstore mondial. Le travail a beaucoup porté sur l’alimentation, une repensée de la contreréaction, étonnamment élevée et une foule de détails incluant le comportement mécanique de l’appareil ainsi que la prise en compte de celui des molécules d’eau. D’où le Delrin par exemple.

«Le TMA utilise une architecture classique à 3 étages avec un fort taux de contre-réaction. La contre-réaction est une technique très performante à condition de s’intéresser aux détails pratiques de sa mise en œuvre. Il m’a fallu 3 ans pour arriver au résultat que j’espérais. Un son dynamique et contrôlé, typique de la contre-réaction, mais sans les raideurs et le manque de naturel trop souvent associé à cette technique »

Qu’il dit le Monsieur.

Mais non, pas celui qui a tout ce qu’il faut pour les légumes ! Mais le concepteur, Stéphane Even.

Large bande passante et 2 x 80 w sont les données essentielles et suffisantes. Non, mais, oh…

445 x 390 x 130, 14 kgs.

Ecoutes menées en compagnie de : Atoll ST300 Signature, Lumin U2 + EERA Minuetto & Andante, Rockna WLS + Wavelight Pre/Dac, platine Dual + Ortofon 2M Blue + Aurorasound Prima, Living Voice R25, T&T Extreme, hORNS Aria Monitor, 2 et 3, Atlantis Lab AT18, Revival Atalante 5, câbles Neodio, Wing et Legato.

Richesse des timbres et équilibre tonal :

Magnifique introduction par un « fichier HR » fraichement arrivé, le Concerto pour Violon et Orchestre Opus 47 de Sibelius (et celui de Prokofiev, le premier, Opus 19) par Janine Jansen et Klaus Mäkelä et l’Oslo Philharmonic Orchestra.

Si le Neodio TMA portraiture spontanément un orchestre aux teintes formellement foisonnantes et somptueuses, l’enthousiasme des musiciens ne semble pas tout à fait à la hauteur des expansions de bravoures jetées en pâture à nos oreilles avides par la brillantissime Néerlandaise (quelle Cadence ensorceleuse !). Sensation plus perceptible dans le 2e mouvement où les accompagnateurs ne semblent plus vraiment y croire.

Le Neodio TMA, par sa finesse d’analyse que nous détaillerons plus loin, nous en explique la raison : ce n’est pas tant que l’orchestre et le chef soient moins inspirés (au contraire, à tout prendre, les pupitres sont clairement excellents et engagés), mais que la captation en est biscornue, pas exactement lointaine mais engoncée dans la réverbération et distension d’un brumeux hangar, confuses, pas faciles à défricher, tandis que la violoniste hors sol, habitée, passionnée, lancée dans un lyrisme farouche, semble cajolée pour pas dire transcendée par le micro et le TMA qui, comme de vieux complices, laissent éclater mille coloris, nuances, facéties, la faconde et le brio…

Cette prise de son ombreuse de la méritante phalange est d’autant plus regrettable que la volonté d’équilibre entre orchestre et soliste est manifestement très bien tenue par le jeune Mäkelä dans un ostinato diabolique et pourtant subtilement déhanché.

J’ai lu quelque part que ce chef juvénile était particulièrement attentif à la captation et au mixage de son travail ! Ah bon ? Alors un conseil, cher Maître : changez d’enceintes. Ou d’ampli.

Decca nous a habitués à mieux ; quel dommage, car la prouesse musicale est inattaquable.

Intrigué à ce sujet, j’ai décidé de tenter une interprétation toute aussi fraîche d’une œuvre qui ne m’emballe pas en général : le Triple Concerto de Beethoven, Opus 56, Nicola Benedetti (plus céleste que jamais), Benjamin Grosvenor (d’un sérieux de Pape), Sheku Kanneh-Masson (humblement à la hauteur), le Philharmonia dirigé par Santtu-Matias Rouvali, chez Decca donc.

Une lecture qui m’a bien plu, finalement, sous la houlette méticuleuse de l’intégré Neodio ; ne serait-ce que parce que jamais aucun soliste ne tire la couverture à soi tandis que le talentueux trio livre une performance si parachevée face à un orchestre aux amples motilités, qu’on croirait précisément avoir affaire à des chambristes insérés dans le cocon d’une multitude généreuse. La réalisation technique, plus plénière que détailliste, est très homogène, dimension des solistes à leur place devant l’orchestre sans être isolés, les cordes (les contrebasses !!!) d’une souple consistance, les bois très distinctement différenciés en dépit (est-ce sûr) d’une insensible délimitation harmonique ; et si on peut regretter que cuivres et timbales soient un peu noyés, on entend clairement qu’il s’agit d’une volonté du chef finlandais de jouer l’intégration dans un écrin offert aux vedettes.

Aucun doute à avoir à propos du petit Neodio qui semble apprécier les masses orchestrales, en décrypter les énigmes picturales, les saveurs et arômes tout autant qu’en suivre l’impeccable délié.

Vaste étendue de bande passante (et de dégradés colorimétriques) dans PHILOPHOBIA de Martha Da’Ro, dont la réalisation apparentée à la R&B tient de la mise en scène, une bande-son d’un film sans image. Univers traversé ou intriqué de rythmes changeants, opposant une forme de froideur implacable des percussions sépulcrales et ténébreuses (parfois) à la chaleur d’une voix douce et chargée de sens, insolites dissonances entre d’incertaines mais complexes couleurs instrumentales, inquiétantes, sombres, parfois lointaines, parfois intensément présentes et les phrasé et timbre légèrement fêlé, contrastés, souvent vulnérables du chant, le tout charrié par un lent groove enivrant…

Le TMA expose clairement un ambitus et une bande passante larges, idéalement équilibrés, en registre comme en fougue, même si, sur certaines enceintes un peu pointues, on peut manquer d’un peu de corps (c’est à voir, je me suis fait la remarque en écoutant des enceintes possiblement surfaites hors contexte, coûteuses mais pas forcément exquises par leur tendance à ne favoriser que les fronts d’onde)

Équilibre tonal :  ******
Richesse des timbres : ****** (+*?)

Scène sonore :

Immuable et profonde, voilà ce que nous a aussi raconté le Triple Concerto de Beethoven par Rouvali. Et le TMA. Avec des Living Voice R25.

Tout comme la prenante version d’une œuvre pas si souvent enregistrée : Le Prince de Bois de Bartók par Thomas Dausgaard et le BBC Scottish SO, partition semble-t-il retouchée par Bartók pendant plus de dix ans dont le chef danois nous livre l’ultime mouture, une première…

Œuvre sans doute un peu inégale qui tricote des sentiments mitigés pour ne pas dire contraires ; la lecture de Dausgaard est moins fouillée ou animée que celle de Boulez (Chicago) de la partition de 1917, ce que le Danois compense par une grisante plasticité servie par un orchestre très convaincant, dont les pupitres sont très distinctement agencés dans l’espace par le TMA, même en s’amusant à hausser le niveau sur des enceintes exigeantes : aucun décrochage, aucune projection, aucune perte de résolution ou de stabilité, pas grand-chose à signaler, si ce n’est peut-être, une infime tendance à coaliser les instruments dans leur pupitre, ne pas tout à fait idéalement laisser l’air circuler entre les intervenants. Ouais bon. Qui sait le faire ?

Je n’ai pas pu m’empêcher de nous passer la version Dorati avec le LSO, Mercury, en vinyle (pressage Philips 1966), où les influences magyares sont plus affirmées, intensifiées. Cette page d’histoire inscrit en outre une épreuve pas simple à la Hififi (ouh là) : la prise de son 3 microphones chère à Bob Fine et Wilma Cozart est effilée (n’en jugez pas par la remasterisation HR savamment bodybuildée), les réverbérations de la salle n’aident pas, et la gravure d’époque est un peu efflanquée. Qu’importe : le spectacle est admirable et sans doute le déploiement de la scène, certes dans une profondeur plus réduite, est quand même plus naturel que celui de Dausgaard ; et puis il y a l’interprétation d’une pantomime subtilement désenchantée qui, bien qu’elle révèle quelques failles de partition, dégage des fragrances de sensibilité magistrales.

TMA s’en sort haut la main pour révéler qui fait quoi, comment et où, n’enjolive rien, n’empire rien : il respecte ce qui vient de la source ! Il effectue son travail, cependant que c’est typiquement un disque où un challenger gavé d’un peu d’embonpoint ou de paresse pourrait paraître supérieur.

Pas plus honnête pour autant : Pantagruel n’est pas un sportif.

Pas de cadeau non plus pour Blackstar de David Bowie, dont la soupe scénique est marécageuse, abimant hélas le faste artistique que le TMA décrypte au mieux, fouissant minutieusement dans cette pâte ; ce qui donne immédiatement envie de réécouter Earthling (1997, co-produit par Reeves Gabrels), dont Battle for Britain où le TMA fourbit la preuve irréfutable et fatidique que le génial Zachary Alford et le foldingue Mike Garson, nietzschéen, très très occupés, très très concentrés, très très diserts, forgent une structure d’un sang-froid qui sécuriserait la Tour Eiffel lors d’un tremblement de terre magnitude 10 !

Dans cet ouvrage écrit pour le cinquantième anniversaire de la Shining Star, la production assigne au cordeau les marques au sol de chaque intervenant, ne jouant de déphasage que sur les divertissements synthétiques.

Le TMA excelle joyeusement à respecter ce défilé martial du 14 juillet embelli des feux d’artifice de la même soirée.

A considérer la scène sonore, peu de belligérants font mieux, en espérant éventuellement une vastitude plus ouverte, une respiration accrue…

A ce prix ? Pas sûr.

Scène sonore : ******

Réalisme des détails :

La transparence, comme on l’aura deviné ci-dessus, est remarquable, d’autant qu’elle ne contrarie jamais un méritoire sens des modulations, quels qu’en soient les étagements.

La musique de chambre est un révélateur intéressant de ce point de vue.

Le panel d’œuvres couvrant plusieurs siècles de musique (de Haydn à Oscar Escudero né en 1992, en passant par Schubert et Bartok ou Bertelsmeier) dans Krise Crisis (2022) soumet tout système de reproduction à rude épreuve, par la diversité stylistique du Kuss Quartet dans la juxtaposition d’extraits d’œuvres sans autre lien qu’un thème, possiblement tiré par les cheveux.

La réalisation sonore, très réussie, penche plus vers le flexible que l’incisif, ce qui n’empêche pas le TMA de voguer au plus près de la colophane, refusant l’ombre, et parfois même le clair-obscur, au détriment d’un grain que l’on a connu plus croustillant.

En effet, si l’essor des boisés est simplement beau, on note quand même une tendance intrinsèque à épurer ou piquer les traits, les conceptualiser sensiblement, attaques de note franches mais enveloppes un tant soit peu simplifiées, légère insistance de la montée du front d’onde au détriment éthéré de la hauteur du sustain qui n’apparait pas dans les grandes masses orchestrales. Trait de caractère très agréable pour doper une enceinte un peu amorphe qui participe de la sensation générale d’une transparence de haut vol.

ET : phénomène quasi-systématique avec les amplificateurs à transistors rapides développant une puissance confortable, ou peut-être les transistors MOS, à la grande différence près, comme écrit en introduction, que, en ce qui concerne le TMA, cette singularité n’entache en rien une grande souplesse et richesse des ondulations mélodiques, que l’on pourrait souhaiter à la rigueur un peu plus huilées. Ce qui ne signifie pas « lentes » ou molles. Disons : plus épanouies.

L’acuité corrélative du vaillant Neodio aide évidemment à découenner des enceintes empâtées ou des musiques embrumées, sans toutefois maladroitement creuser jusqu’à l’os ou déséquilibrer dynamiquement l’équilibre tonal.

Rien dans la volubilité du Neodio TMA n’est donc jamais déplaisant, tronqué, excessif, et, dans une musique aussi touffue, audacieuse, respirante et sans le moindre essoufflement alors que parfois modelée d’ombres proches du silence, telle que No Rush ! du MegaOctet d’Andy Emler, nous avons grandement apprécié la lisibilité concise du TMA qui exprime flegmatiquement le groove, notamment d’une section de cuivres jamais à court d’inspiration, et préserve la sensualité au sein de savantes permutations texturales, incessantes, déstabilisantes, systématiquement approfondies, soutenues par la solide assiduité de rythmes épars dévoués à Eric Echampard, François Verly et Claude Tchamichian, entre clarté et obscurité.

Ambitus large et extraction détailliste, on en aura une démonstration supplémentaire avec St. Vincent et le… l’incandescent ? All Born Screaming que Lady Clark, cette fois, a intégralement produit en personne (assistée par Cate Le-Bon) !

Excellente initiative : je ne suis pas loin de penser que c’est là son meilleur album (mmhhh, pas facile à déterminer à la réflexion) … paradoxal, en mouvements « aléatoirement structurés » d’oxymorons musclés comme on les adore (et quel sens du swing !), en fulgurances d’accompagnement ou d’écriture rythmique aussitôt chassées par de nouveaux éclats. Album parfaitement ordonnancé autour de scénettes diffuses, toutes portées par l’inimitable et sidérant phrasé félin et groovant, intimidant et érotique, vigoureux ou vibrant d’Annie Clark, baguenaudant dans des univers variés, parfois aussi planifiés que l’Urbanisme Morphologique, costauds qu’un grizzly affamé, engageants et transversaux que les sourires carnassiers de Grace Jones, tordus ou violemment angoissés que les errances de Trent Reznor dont la pétulante Dame Suprême métamorphose l’univers poisseux…

Passée ce qu’on pourrait considérer comme une légère baisse de tension (pression ?) au 3e quart, la piste finale éponyme, débutant par une pop légère et engageante pour, sans transition, évoluer vers une psalmodie en obsessionnel canon de progression déroutant, fascinant, puissant, purement génial, s’affirme à la fois ensorcelante et glaçante, plantant un couteau ensoleillé dans le cœur de ceux qui ont douté un seul instant de la capacité de la déesse Annie Clark à maitriser son sujet de bout en bout.

42 minutes beaucoup trop courtes, si intenses et cannibales !

La production, appliquée alors que faisant feu de tout bois (et cuivres en l’occurrence, singulière introduction de Violent Times), les frappes herculéennes de Dave Grohl (ou Josh Freese, pas poltron non plus), les touchers imaginatifs de Mark Guiliana ou Stella Mozgawa, les nappes d’infra en sous couches et une dynamique colossale parfaitement exploitée pour approfondir la dramatisation ou gémir une douleur cachée, font de ce moment un Monument Artistique pur et simple, dédié aux déstabilisations, à l’intelligence, à la bourrasque prolixe, à une forme de folie décomplexée ; et le Neodio TMA ? ben, il chérit cette tortueuse et conquérante jouissance, se plaît à en dévoiler les tournures et tourments, les dérapages contrôlés et excès exubérants sans ornementer les couleurs, la saveur d’une sauce de Saucier dosée d’ingrédients sorciers, honnête maître d’hôtel qui ne conteste jamais et transcrit poétiquement les choix du Chef.

Bataille entre art et technique qui me fait me rendre compte d’un point important : à force d’attendre trop (l’Excellence !) d’un appareil dont le prix appellerait plus de tolérance, nous pourrions oublier de relativiser nos valeurs !

La question est dès lors posée : qui fait mieux et combien ça coûte ?

******

Qualité du swing, de la vitalité, de la dynamique :

Le swing perfusé par le TMA est une excellente surprise, d’une part parce qu’il fait souvent défaut en hifi – à tel point abyssal que je me demande qui en comprend le sens chez les créateurs de la Low-Fi – mais aussi parce que, lors de la rencontre avec l’ampli Origine en son temps, ce n’est pas ce qui nous avait le plus marqué.

Ainsi la primesautière Laufey (Lín Jónsdóttir) et son album Bewitched où elle semble – après des alternances pop et jazzy dans ses motifs précédents – avoir choisi son camp en optant pour un panachage de pinceaux jazz piochant largement dans une palette imbibée de passé, harmonies, chœurs, cordes sirupeuses du Philharmonia, et même son phrasé ou celui du piano, nous fait partager les variantes de swings de ses sentiments contraires, de l’hilarité tendre à la mélancolie qui ne peut-être que celle de la jeunesse.

Les suaves bondissements ou larmes de crocodiles sautillent ou se morfondent sans restriction aucune sous le regard affectueux de l’ampli Neodio dont la vitalité est un point fort avéré.

Sans la moindre hésitation, le TMA respecte, voire souligne, la gamme des émotions de toute musique, à défaut d’en rendre idéalement l’aperception intime, tactile, charnelle.

Suit un assaut musical que j’aurais aussi bien pu utiliser dans la rubrique Réalisme des détails : l’enchainement Beauty + die Befindlichkeit des Landes, live de 2000 à Bruxelles d’Einstürzende Neubauten.

L’atmosphère mystérieuse de l’introduction, Beauty, dialogue mondain scientifico-ironique entre Bargeld et un de ses complices sur fond de nappe ondulante et de présence engagée, quasi-palpable du public, transmute, brutalement (die Befindlichkeit des Landes), par une coalescence subite des molécules errantes en solidifiant leur forme indistincte, stupéfiant le spectateur alors assailli d’un martèlement d’ictus canardés par la basse d’Alexander Hacke arc-boutée sur l’arsenal clinquant et maniaque de fracassantes percussions maisons, édifiant un abri atomique en assénant simultanément l’impression de le détruire à coups de marteau-piqueur et de dynamitages ciblés.

Pourtant, même dans ce cas de figure pittoresque, on perçoit impeccablement, grâce au héraut Neodio, les décalages volontaires des placements rythmiques de musicos balaises qui créent un swing manipulant harmonieusement la cargaison machinale apparente.

L’énergie directe, intransigeante pour ne pas dire violente, promptement déployée par le TMA – n’affichant somme toute pas un gabarit de cogneur – laisse pantois sur des enceintes d’un rendement pourtant faible (85 dB) à ce moment-là, leur injectant assez de speed pour envoyer toute une bande de Hell’s Angels dans une expédition guerrière.

Précision utile : si le TMA semble préférer être sollicité, un peu poussé, il se tient très bien en écoute à bas niveau, préservant rapidité, densité et verve.

Le travail opiniâtre mené par le concepteur sur la contreréaction donne ici toute sa mesure.

A noter que le même disque passé via des transducteurs au contraire de rendement très élevé et naturellement réactifs est soudain comme muselé et perd une grande partie de son intérêt. Chose que l’on constate avec d’autres amplificateurs « laisse courte », notre Accuphase de référence par exemple. Sans doute la rançon de cet « hyper-contrôle »

Expressivité :

Que nous ayons écouté intégralement Bewitched de Laufey en compagnie du Neodio TMA en dit long au sujet de l’expressivité.

Le TMA nous délecte du vibrato délicieux de l’Islandaise (faut le savoir. Qu’elle est islandaise), son timbre sciemment dévoyé par un clone de microphone des années cinquante, ses enluminures soyeuses comme le velours qui habille tous les arrangements engrammés de passé de chacune des flâneries prodiguées en cadences diverses, si rigoureusement transposées dans la pièce, qu’une complainte qui ne bouleverse pas les hiérarchies exhale cependant l’humeur profonde d’un romantisme éternel, quelles que soient les fugaces réserves émises çà et là dans mon CR.

Le Neodio TMA jouant Sample the Earth de Laura Misch, sorte de reprise allégée (regrown) de Sample the Sky (des trucs pour le patron, ça) crayonne des silhouettes habitées, de façon presque hyperréaliste, où le saxo, la harpe ou la voix angélique et sensuelle alternent dans ce qui parfois s’apparente à des spectres, grands corps adoucis, rendus presqu’insubstantiels métaphysiquement par le brouillard. C’est troublant, fascinant…

Indubitablement, grâce au TMA une sorte de magie opère qui nous amène à passer beaucoup de temps en compagnie de Marina Viotti dans l’anachronique Mezzo Mozart, accompagnée par Gli Angeli Genève et Stephan McLeod.

Au-delà d’une étendue consistante de tessiture (quelques duretés dans l’aigu… Elle ? La prise de son ?), d’une grande inventivité d’ornementations, d’une puissance contenue (trop ? … quand on sait ce dont Mme Viotti est capable, oui, parfois peut-être) et d’une aisance ductile, l’admirable et surprenante Diva dépourvue de caprice (j’ai cru comprendre qu’elle s’était essayée au Death Metal dans sa jeunesse) incarne les titres avec une aisance qui donne la chair de poule, quand bien même sa présence tire plus vers l’incarnadin que l’incarnat par l’intercession du TMA.

Que manque-t-il donc pour que tout soit parfait ?

Un lien un tant soit peu plus organique ?

La volupté ? Peut-être, à condition qu’elle ne tourne pas à la complaisance…

Franchement, nous sommes incapables d’un jugement irrévocable. Qui a raison, qui a tort ?

L’expressivité est décidemment un facteur complexe.

Le TMA n’en est peut-être pas le parangon mais, dans la hiérarchie globale des engins de ce prix, ceux qui l’approchent souffrent d’autant de limites ou concessions que de vertus.

Le TMA est par conséquent – à notre sens et notre intransigeance crasse – l’un des rares instruments parachevés d’un idéal équilibre entre des données souvent incompatibles.

*****, dans l’absolu

******, rapporté au prix et à l’ensemble des performances par ailleurs :

Plaisir subjectif :

Il est systématiquement au rendez-vous, d’autant plus quand on l’intègre dans son écosystème, notamment la nouvelle série de câbles HP Fractal au rapport qualité / prix bluffant.

Son empressement, sa joie de vivre, sa disponibilité permanente et sa constance de densité sur quelque écart dynamique que ce soit en font un must.

Totalement universel ? Pas vraiment : les enceintes qui appellent la liberté sauvage n’apprécieront pas ses fondations pédagogues. Les autres (99% ?) lui rendront les louanges dues à sa faconde de professeur du Cercle des Poètes disparus (Peter Weir 1990), au risque de devoir confesser leur janotisme.

Moi, je peux vivre avec ça, et c’est tout le sens de l’objectivité subjective.

******

Rapport Qualité/Prix :

Un must disais-je ? D’autant plus à considérer le prix !

Il mérite un Diamant sur Canapé.

Je sais ce que va dire le patron : on en distribue un peu trop. Oui, mais on a aussi décidé, pour le moment de ne chroniquer que des objets qui nous emballent sincèrement, alors bon…

******+*

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *