The Audio Beat / Novembre 2018
Le lecteur CD Origine de Neodio divise les audiophiles depuis longtemps. D’un côté, il y a ceux qui se demandent ce qui justifie un prix si élevé pour un lecteur composé d’un seul coffret, accompagnés de ceux qui se demandent qui pourrait être assez fou pour se lancer dans la fabrication d’un lecteur CD à l’heure où la musique s’écoute de manière dématérialisée. D’un autre côté, il y a ceux qui constatent que la musique dématérialisée est loin d’être la solution idéale prônée par ses adeptes et qui restent sensibles aux performances de meilleure qualité obtenues avec un lecteur de disque optique, accompagnés de ceux qui, à l’écoute d’Origine, admettent le caractère exceptionnel de ce produit. Le lecteur Origine se présente comme une véritable opportunité si vous vous concentrez uniquement sur la performance musicale, en faisant abstraction du nombre de coffrets et de leurs prix, il constitue le nec plus ultra des sources numériques offrant d’excellents résultats et une cohérence musicale remarquable à un coût nettement inférieur à ceux proposés par de nombreuses solutions numériques à boîtiers multiples. Et tout ceci avant même de considérer les câbles et supports pour les quatre ou cinq ensembles d’éléments.
À bien des égards, ces performances n’ont rien d’étonnant. En effet, outre les avantages d’implanter un circuit numérique fondamental dans un coffret unique de fabrication soignée permettant que le transfert de signal, l’interface et l’interférence entre les étages séparés puissent être régis avec précision via la configuration et le routage, la France (pays d’origine de Neodio) jouit d’une excellente réputation dans le domaine des équipements numériques. Depuis de nombreuses années, le pays se situe à la pointe du développement numérique comme l’atteste la liste de ses fabricants incluant Micromega, Métronome Technologie, TotalDac et Devialet (sans oublier Goldmund, entreprise d’origine française qui a choisi de s’installer de l’autre côté de la frontière). En y regardant de plus près, vous verrez que Micromega, Métronome et Goldmund ont au moins une chose en commun : ils partagent une reconnaissance sérieuse et précoce de l’apport de la mécanique et des mécanismes de la mise à la terre aux performances numériques. Maintenant, prenez tous ces éléments, mixez-les et ajoutez une touche de personnalité typiquement française et vous obtenez un résultat en tout point semblable au lecteur Origine et d’une qualité musicale tellement impressionnante qu’elle a d’ailleurs réussi à retenir mon attention, celle de Dennis Davis, collaborateur à The Audio Beat ainsi que celle de bien d’autres fabricants respectés et auditeurs.
Mon analyse vous permettra d’apprécier tous les atouts de ce lecteur, qui vont bien au-delà de son élégance visuelle incomparable. Loin de vouloir se contenter d’un simple changement du système audio, le concepteur de Neodio Stéphane Even a cherché à révolutionner l’ensemble du système, restant ainsi fidèle à l’esprit français. Consultez l’article connexe et vous verrez qu’en faisant le choix étonnamment simple de réduire le nombre d’intermédiaires pour n’en garder que deux, il a été en mesure de proposer exactement le même produit à environ la moitié de son prix d’origine. C’est une décision qui tient compte non seulement de la nature changeante du marché des audiophiles, mais aussi de la démesure des prix demandés.
De cette façon, le fabricant Neodio donne non seulement raison à tous ceux qui se demandent qui pourrait être assez fou pour s’offrir un lecteur composé d’un seul coffret à ce niveau de prix, mais il apporte une solution. Ainsi, sur le marché français, le prix diminue passant de 35 000 à 15 000 € (ou 13 750 € pour un achat hors EU), avec des baisses identiques sur d’autres marchés. Si ce lecteur offrait de remarquables performances à son prix d’origine, rivalisant et surpassant souvent les alternatives beaucoup plus chères composées de coffrets multiples, il devient une des meilleures opportunités audio musicales de tous les temps grâce à son nouveau prix plus accessible. Loin de se contenter de faire ce choix, le fabricant a créé une solution système complète en lançant simultanément un amplificateur correspondant ainsi qu’une nouvelle génération de câbles réglés mécaniquement et de supports d’équipement, bénéficiant tous de la nouvelle structure de prix. Le choix d’une logique globale, à la fois sonore et financière, au lieu d’une approche séparée de ces produits donne sa légitimité logique à l’approche systémique.
Une analyse du lecteur CD Origine a déjà été publiée, je vais donc me limiter à énumérer les éléments marquants et les révisions mineures qui ont permis la transformation du S1 en S2. Très bien fabriqué et d’une élégance incomparable, le châssis est doté de bien d’autres atouts. En effet, il se caractérise par des dimensions précises et un laminé de membranes polymère créant un référentiel mécanique rigide, mais non résonant pour la lecture du récepteur de vibrations en interne. Équipé d’un DAC suffisamment sophistiqué, le coffret se distingue par son horloge analogique exclusive (au lieu de quartz). Le lecteur est équipé de sorties à la fois symétriques et asymétriques, intégrant aussi des entrées numériques S/PDIF et USB. Simple et efficace, l’élégante télécommande intègre les touches de contrôle du volume de l’amplificateur A2 correspondant. Le changement du matériau constituant le socle et l’intégration du nouveau support B1 constituent les améliorations du lecteur S2. Une révision mineure du routage sur le circuit imprimé empêche la mise à jour complète du lecteur original Origine en S2, mais comme Dennis Davis peut en témoigner, le simple ajout des nouveaux supports vous offre la possibilité de presque y parvenir.
Il est pratiquement impossible de distinguer l’amplificateur A2 de son frère le lecteur CD, même leur prix est identique. Mais l’effet est plutôt positif puisque l’ajout d’un second coffret semblable à l’esthétique séduisante du lecteur Origine S2 renforce d’autant plus l’impact visuel. Le A2, composé d’un châssis et de supports identiques à ceux du lecteur, se distingue visuellement par l’affichage alphanumérique placé au centre, à l’emplacement où se trouve le tiroir de lecture du lecteur CD. Sinon, au-delà du bandeau de cuivre, les deux boîtiers se ressemblent en tous points jusqu’à ce que vous arriviez à la face arrière. Regardez d’un peu plus près et vous découvrez qu’en réalité, le côté gauche du châssis est un dissipateur thermique délicatement intégré, mais qui chauffe, mais ce phénomène est partiellement dû à la plaque supérieure qui limite l’efficacité thermique du dissipateur. Leur ressemblance se prolonge jusqu’à l’arrière, avec le A2 offrant aussi une gamme réduite de connexions : uniquement quatre entrées analogiques (deux en XLR, deux en RCA, mais les quatre connexions sont asymétriques) et des bornes de raccordement pour un seul ensemble d’enceintes. Effectivement, il n’y a ni connexions numériques, ni sorties enregistrement ou préampli et absolument pas de processeur boucle ou de prise jack pour casque. Comme à l’intérieur, côté connectivité, on est définitivement dans un schéma à l’ancienne (même si une programmation Home Cinéma par pontage est possible pour n’importe laquelle des entrées). L’alimentation électrique linéaire est produite à partir d’un transformateur puissant de 1000 W, alors que le circuit audio est sans contre-réaction globale et se base sur une nouvelle topologie à deux étages séparés, l’étage de sortie délivre une puissance 150 W/pc de classe AB, soutenu par une capacité de puissance crête de 32 A.
Le A2 est à la fois un modèle incontestable de minimalisme « moins, c’est plus » et une antithèse absolue des amplis intégrés équipés jusqu’à l’excès, une tendance qui paraît aujourd’hui inévitable dans chaque série de produits respectables. À titre d’exemple, dans la même gamme de prix, prenez le Mark Levinson No.585.5 : six entrées numériques, un étage phono configurable par l’utilisateur, quatre entrées analogiques symétriques, une sortie ligne, un module de réparation MP3 et plus d’options de configuration qu’une boîte de dominos. L’austérité de l’A2 est d’autant plus évidente qu’il ne présente pas de capacité de réseau ou de connectivité sans fil, des installations considérées de rigueur chez de nombreux produits concurrents. Il ne propose même pas de fonction mute, allant trop loin dans le minimalisme, même pour moi. Ce minimalisme permet toutefois d’utiliser une seule télécommande élégante pour contrôler l’ensemble des fonctionnalités du lecteur CD et de l’amplificateur, y compris l’affichage de l’intensité, le mode et la fonction repeat. Mais, comme Neodio s’empresse de le souligner, ces électroniques sont uniquement au service de la performance musicale, une quête qui suit des lignes très spécifiques qu’il est plus facile d’appréhender dès lors que les câbles et les supports entrent en ligne de compte.
Les supports de forme cylindrique placés sous le S2 et le A2 constituent également des dispositifs à part entière, les Origine B1 sont notamment destinés à servir d’autres électroniques ou enceintes, le pas de vis situé sur la surface supérieure permet de visser des tiges taraudées pour ensuite les attacher solidement à des supports ou meubles pour enceintes, ainsi qu’à modifier le comportement de ces équipements. Contrairement à de nombreux dispositifs de couplage (Nordost SortKones ou Stillpoints sont les exemples les plus flagrants), le B1 est destiné à jouer le rôle d’absorbeur plutôt que celui de mise à la terre. La structure en acier inoxydable intègre une configuration géométrique exclusive et un composé spécifiquement développé pour dissiper les vibrations parasites haute fréquence qui, selon Neodio, affectent à la fois la structure physique de nos composants et l’air qui les entoure.
Cette conviction est le résultat de l’expérience acquise avec le châssis sophistiqué et laminé et la lecture de l’absorbeur de vibrations dans les électroniques, amenant naturellement l’entreprise à développer des câbles réglés mécaniquement, ses dernières créations. Prendre au sérieux à la fois la performance physique et électrique des câbles n’est pas une nouveauté, les entreprises Nordost et The Chord Compagny ont notamment réalisé des avancées majeures dans ce domaine. En suivant sa propre route et en allant dans une tout autre direction, Neodio est parvenu aux mêmes conclusions, mais le fabricant français va encore plus loin : en ajoutant les supports Origine B1 et les câbles Origine à sa gamme, il offre un système complet qui partage une seule et même idée, même si vous adoptez le support et les raccords mécaniques des enceintes de votre choix. Stéphane Even fait référence à l’écosystème Neodio, une dénomination parfaitement logique.
Se présentant comme une solution autonome, le lecteur CD Origine S2 risque d’être pénalisé face à des dispositifs concurrents plus techniques et avec plus de fonctionnalités. En effet, sa cohérence maîtrisée n’est pas évidente à première vue ou semble en tout cas manquer de clarté. Cette faille apparente est liée à sa présentation fluide et épurée, mais en termes de haute-fidélité, ce manque de gravure et d’éclairage est souvent considéré, à tort, comme un défaut. Soudainement, toute atténuation ou perte de clarté à la sortie du son semblent porter atteinte aux atouts du lecteur, mais soyons francs, la plupart des systèmes ont tendance à affaiblir le signal, n’est-ce pas ? À vrai dire, l’idée selon laquelle des câbles de meilleure qualité n’améliorent pas le signal, mais minimisent sa dégradation peut (et devrait) s’appliquer à l’ensemble de la chaîne de lecture. Attention, cela ne veut pas dire que vous devriez essayer de compenser en augmentant le signal, une réaction qui introduit encore plus d’erreur. Au contraire, l’approche globale de Neodio est une tentative réfléchie pour minimiser la perte et l’erreur engendrée, en préservant l’intégrité du signal et les performances potentielles des électroniques dans le système. Intégrez le lecteur Origine S2 dans une configuration composée de ses dispositifs partenaires et soudainement cette légère tendance dissimulée disparaît dès lors que la chaîne alimente la cohérence musicale intrinsèque du lecteur CD.
Si l’infrastructure du système (alimentation électrique, transfert de signal et supports) définit les conditions opératoires des électroniques, comme la surface de la route définit les limites de performances d’une voiture, alors une approche cohérente unique intégrant à la fois les principales sources d’alimentation, la distribution du signal et les raccords mécaniques des composants ne relève plus seulement d’une démarche logique, elle est la promesse de gains de performance et d’intelligibilité exponentiels. La connaissance approfondie du lecteur CD Origine S2 et des supports B1 a suscité d’immenses attentes vis-à-vis de l’ensemble du système Neodio. Ces attentes ont été comblées, voire même surpassées, mais n’imaginez pas que cette solution système se définit aussi comme un appareil prêt à l’emploi. Il y a certaines subtilités à considérer avant de réussir à apprécier pleinement toutes les fonctionnalités de ce système.
Le premier élément est le cycle de mise en route de l’amplificateur A2. Indépendamment des mouvements de transport pouvant retarder le temps de mise en route (et c’est généralement le cas pour la plupart des composants), il faut compter au moins 48 heures pour que l’amplificateur se stabilise, un contraste important avec l’aplomb imperturbable du lecteur CD. Il ne s’agit pas simplement d’un exemple d’amélioration linéaire dans lequel l’ampli devient progressivement plus chaud ou descend encore plus bas dans les basses, mais d’une réponse beaucoup plus complexe, un peu comme si les différentes parties de l’amplificateur trouvent leur stabilité et parviennent finalement à s’entendre entre elles. De toute façon, ne soyez pas surpris si vous constatez des résultats irréguliers au cours des premiers jours ; certains seront excellents et d’autres vous feront penser que quelque chose est cassé. Mais ne vous inquiétez pas, dès que l’ampli se stabilise, tout rentre rapidement dans l’ordre. En effet, à l’image de son concepteur, « even » pourrait faire partie du nom de cet l’amplificateur.
La seconde phase d’apprentissage concerne les supports B1. Les supports sont d’ores et déjà intégrés aux électroniques Origine, mais si votre matériel provient d’autres fabricants, prévoyez alors de remplacer les supports existants par les B1 afin de pouvoir récolter les fruits de cette expérience. Commencez par équiper les composants électriques les plus puissants (transformateur et capsules) ainsi que l’entrée secteur, vous pourrez ensuite continuer à progresser vers un traitement complet. L’utilisation de supports B1 en remplacement des pointes d’enceintes est une opération assez compliquée qui présente par ailleurs des variations en fonction du type de sol. Sur un sol dur, une bonne mise à la terre fonctionnera très bien, minimisant la nature antivibratoire des supports B1, en revanche l’amélioration est considérable sur un plancher surélevé puisque les supports vont d’abord empêcher les enceintes de dissiper les vibrations vers le sol pour ensuite les absorber. Des adaptateurs taraudés adéquats sont bien évidemment nécessaires, mais vous devez aussi surveiller toutes modifications du comportement des enceintes ainsi que le différentiel de hauteur entre les supports B1 et les pointes d’enceintes.
Il convient aussi de faire attention au changement dans l’équilibre du spectre sonore avec les différents raccords. Dans le cas du Raidho XT5 que j’ai utilisé pour l’essentiel de cette écoute, les B1 ont produit des basses plus équilibrées, mais aussi plus légères et la hauteur de chute du support solide Track Audio dont je me servais auparavant a effectivement contribué à restaurer l’équilibre général, seul un léger mouvement vers l’avant a été nécessaire afin de compenser la hauteur de chute du sol de presque 3 cm. L’angle d’inclinaison s’est quelque peu réduit, manifestant une fois encore le changement de hauteur, mais l’angle d’azimut n’a pratiquement pas changé, égalisant simplement les deux côtés afin de supprimer le degré différentiel précédent de 0,1. En remplaçant les pointes classiques, vous pourriez être amené à repousser les enceintes de quelques centimètres vers l’arrière afin de restaurer le poids des basses et de profiter pleinement d’une meilleure linéarité et de la clarté des basses fréquences.
Même si l’utilisation des B1 est assez compliquée, les supports fonctionnent dans de nombreuses configurations, offrant ainsi de multiples possibilités. À l’instar des palets presseurs Stillpoints, ils œuvrent comme des absorbeurs de vibrations sur des points essentiels à travers le système ; ils se placent au-dessus des équipements, des enceintes, des supports ou sur des points stratégiques autour de la pièce d’écoute, avec une préférence pour l’endroit où se situent les enceintes, là où les vibrations sont les plus élevées. J’aborderais cette question plus loin, mais dans un premier temps j’ai utilisé les supports B1 installés sur les électroniques et sous les enceintes comme décrit précédemment.
Il est toujours très agréable de redécouvrir un morceau tellement familier qu’il en est presque devenu banal et plusieurs œuvres entrent dans cette catégorie, telle Les Quatre Saisons et trois autres concertos pour violon de Vivaldi. [ZigZag Territoires ZZT080803]. Le groupe Amandine Beyer et Gli Incogniti délivre une interprétation confidentielle éclatante, qui permet à la musique d’exploser dans un dynamisme à la fois frais et vivant. Un clavecin en continuo ainsi qu’un théorbe ou une guitare viennent enrichir trois violons, un alto, un violoncelle et une basse, donnant ainsi encore plus de force et de matière. Malgré la taille réduite du groupe, la musique se caractérise par une présence très forte et ancrée incitant les violonistes à attaquer la partition avec une verve sérieuse et enthousiaste et ils s’empressent de s’exécuter. En effet, certains des passages les plus rapides sont interprétés avec un tel emballement que les notes semblent trébucher les unes sur les autres dans une cascade confuse, passionnante certes, mais pas vraiment éblouissante de virtuosité technique.
C’est le sentiment que vous avez jusqu’à ce que vous les écoutiez avec un système Neodio. Le corps, la présence, le dynamisme et l’enthousiasme absolu dans l’interprétation se manifestent avec plus d’intensité, mais désormais ces passages rapides acquièrent une agilité assurée, une clarté et une intention claire qui apportent une orientation, de la structure et un fondement à l’élégance quasi géométrique du morceau. Soudainement, c’est comme si les musiciens (et le système) disposent de plus de temps, ils jouent à la vitesse qu’ils souhaitent, vous permettant ainsi de saisir la forme et les espaces entre les phrases musicales, les liens entre une période et la suivante. Mais paradoxalement, ce ne sont pas ces jets rapides de notes, aussi impressionnants soient-ils, qui vous aident à prendre conscience de ce que vous vivez. Écoutez les échanges hésitants, presque fragmentés qui suivent les barres d’ouverture du « Printemps » et vous découvrirez un nouveau sens de la discipline et de l’autorité, du schéma et de l’élégance. Loin d’être rhétorique, il y a un plan clair et global, la musique suit ainsi une trajectoire qui est inévitablement renvoyée vers l’ensemble de l’orchestre en chœur. Les notes ne sont pas les seules concernées, il y a aussi les espaces entre elles et leur origine, une information restituée avec une clarté sans précédent par ce système. Je l’ai déjà entendu auparavant, mais jamais dans une expression aussi explicite et jamais avec un système s’approchant de ce niveau de prix.
L’art de réussir à séparer les instruments, qu’ils jouent sur le même mouvement ou sur des mouvements différents, est la clé de la clarté musicale délivrée par ce système. L’identité musicale ou la position ne sont jamais remises en question, on ne se demande jamais qui joue de quel instrument. Que ce soit avec un petit ensemble comme Gli Incogniti ou l’Orchestre philharmonique de Vienne, on ne se pose pas la question de savoir qui joue quoi et à quelle intensité. En continuant sur le même sujet, le Kertesz/Orchestre Philarmonique de Vienne Nouveau Monde (disque 24 de la série The Decca Sound box [Decca 478 3179]) est à la fois superbement rythmé et vibrant dans ses contrastes dynamiques et, encore une fois, le système Neodio le métamorphose en une performance vivante et dramatique exécutée à la perfection, à une échelle parfaite, réussissant à mettre en valeur la beauté intrinsèque de cette superbe interprétation. Force et tempo sont les principales missions du chef d’orchestre, toutefois force est de constater que de nombreux systèmes s’autorisent bien des libertés avec ces éléments essentiels, ils ajoutent ou suppriment de la force et ils accélèrent le rythme au détriment du corps ou du développement harmonique. Mais le plus insupportable est leur tendance à choisir de manière sélective les fréquences auxquelles ces effets agissent. À force d’écouter le système, vous saisissez le caractère exceptionnel de Neodio et l’absence de discontinuité du spectre ou de mise en relief est d’autant plus satisfaisante. Ce système fait preuve, de bout en bout, d’une régularité remarquable et suffisante pour imposer une discipline aux haut-parleurs, jusqu’à présent inédite chez ces partenaires indisciplinés. Mais dans ce cas de figure, régulier ne rime pas avec fade, morne ou ennuyeux. En effet, à l’instar du lecteur CD S2, le système Neodio offre une palette de tons riches et variés et surtout sans aucun artifice.
Cette gamme dynamique fluide et expressive et ce sens de la cadence, lente ou rapide, s’appliquent aussi bien au jazz qu’à la pop. Ce système semble s’engouffrer sans effort dans tous les grooves du moment, cette distribution naturelle de la force et du dynamisme œuvre encore, aussi bien sur les rythmes ondulants de l’Art Pepper Quintet ou dans les forces déterminées et synthétiques des Pet Shop Boys. Les doux rythmes chaloupés et les arrangements habiles de Stone Flower [CTI KICJ 2038] de Antonio Carlos Jobim s’enrichissent d’une qualité irrésistible, la clarté absolue du jeu se délecte de l’image sonore large et de la richesse des détails instrumentaux. Plus précisément, les percussions complexes s’épanouissent au moment voulu, accompagnées d’une résolution note par note précise et de la graduation dynamique de Neodio. Ce qui peut être considéré comme envahissant ou parfois agaçant avec certains systèmes se met naturellement en place ici, jouant un rôle essentiel dans le morceau.
Encore une fois, c’est ce sens absolu du schéma et de la position qui participe au plaisir d’écoute de ce système, chaque instrument garantit à la fois sa contribution musicale individuelle et dans l’ensemble. Écouter un groupe n’a jamais été aussi facile, que ce soit The Clash sur l’air grondant et dense de London Calling [Epic EGK 36328] ou Alison Krauss et Union Station sur le parfait New Favorite [Rounder 610 4952]. Comme on pouvait s’y attendre, les voix jouissent précisément de cette qualité à la fois directe et communicative qui les rend si vivantes et le système Neodio résiste encore une fois à la tentation de les mettre en avant ou d’ajouter une sensation de présence faussée.
Même si le A2 est le nouveau venu dans cet ensemble particulier ou, tout du moins celui qui va susciter le plus de curiosité, il est difficile de le séparer du reste du système. Il offre la même perspective instantanée, stable et claire lorsqu’il est utilisé avec différents dispositifs d’entrées, incluant la platine vinyle AMG Giro associée à la cellule DS Audio ou le lecteur CD Wadia S7i, mais au même titre que le lecteur CD s’épanouissant au sein de son propre écosystème et surpassant sa performance intrinsèque optimale lorsqu’il est utilisé séparément, la cohérence et la gamme musicale de l’amplificateur s’affaiblissent lorsque vous utilisez d’autres câbles et la performance du système perd alors sa clarté naturelle et sa confiance convaincante au moment où vous supprimez les supports B1 situés sous les enceintes.
Ne vous méprenez pas, le A2 est en effet un excellent amplificateur, mais comme n’importe quel dispositif, c’est en évoluant dans une configuration optimale qu’il offrira sa meilleure performance sonore. Lorsque vous aurez entendu ce qu’il est en mesure d’offrir dans ces conditions, se contenter de moins est considéré comme une négligence criminelle, surtout qu’il s’agit d’un authentique interprète haut de gamme, qui s’exécute au sein d’un authentique système haut de gamme dont on peut faire l’acquisition pour un prix bien inférieur à celui des câbles de nombreux systèmes présents sur le marché. Je me suis montré très élogieux à l’égard du lecteur CD Origine S2 et j’ai recommandé l’amplificateur A2 avec presque autant de confiance, même s’il est confronté à une concurrence plus accrue. Alors si vous utilisez ces deux appareils ensemble avec les composants d’infrastructure associés, vous atteindrez un niveau de performance pratiquement imbattable à leur prix réajusté et bien plus abordable.
La qualité de performance s’explique en partie par la cohérence absolue, l’autorité naturelle et la vision que Neodio apporte à la présentation musicale, une autorité parfaitement établie qui révèle immédiatement le moindre écart ou incohérence. Cette capacité permet de positionner convenablement les enceintes en toute simplicité. Par ailleurs, elle donne des indications relatives à l’intégration électrique et à d’autres subtilités concernant la configuration du système. L’ensemble complet Neodio affiche une consistance et une qualité holistique permettant aussitôt d’assembler les éléments dans le système, pour que vous n’ayez pas à vous en soucier, ainsi la musique se libère et s’affranchit non seulement du système qui la génère, mais aussi des limites de la pièce d’écoute. Le sens de l’acoustique ne dépend pas des parois de votre pièce, mais de l’enregistrement, ainsi l’image sonore profonde et étroite des premiers Deccas traverse complètement la paroi arrière, alors que les premiers enregistrements stéréo de Buddy Holly pénètrent les parois latérales, le tout indépendamment des enceintes. Accepter la performance comme une réalité, ou au moins comme la réalité en cours, est une nouvelle avancée majeure qu’un équipement audio doit être en mesure de restituer.
Ce qui m’amène à poser une question intéressante : au vu de la haute qualité de l’écosystème complet Neodio (et elle est absolument exceptionnelle), quelle est la qualité des câbles et des produits annexes lorsqu’ils sont utilisés avec d’autres électroniques ? En réalisant un simple test système associant le lecteur CD Aesthetix Romulus et l’amplificateur intégré Levinson No.585 qui alimentent les haut-parleurs Raidho XT5 déjà montés sur les supports Neodio B1. En commençant seulement avec les câbles Origine raccordant les composants, j’ai écouté par étapes alors que je plaçais les B1 à la fois sous l’amplificateur et le lecteur CD. Chaque fois que j’ajoutais les supports B1, la musique a gagné en corps et en cohérence, l’image sonore a pris ses distances des enceintes pour se propager et envahir un seul espace confiné. Le second ensemble de supports (situé sous le lecteur CD) met en valeur le sol accueillant l’orchestre, développant non seulement cette perspective fluide et familière, mais insufflant aussi un sentiment de dynamisme et de pouvoir musical concentré qui intensifie à la fois la matière à bas niveau et la gamme dynamique dans son ensemble.
On peut donc affirmer que l’écosystème Neodio améliore de façon significative une installation qui n’est pas Neodio, une évidence qui s’est d’autant plus imposée lorsque j’ai commencé à supprimer ou à remplacer des éléments dans l’infrastructure. En changeant un des câbles d’alimentation, le son est devenu plus vif et perçant, montrant moins de fluidité et de cohérence et l’intégrité temporelle s’est complètement effondrée. L’installation Neodio complète parvient à restituer le rythme cadencé et l’autorité du chef d’orchestre, mais ignorez la barrette secteur, changez le cordon d’alimentation ou remplacez les interconnexions et ce sentiment d’autorité et d’intention disparaît purement et simplement. Alors que le lecteur CD Origine avait impressionné avec son sens épuré et posé empreint de cohérence et communication musicale, si vous adoptez la même perspective avec les câbles Origine et les supports, même s’ils forment un ensemble d’éléments discrets livrés dans des boîtes séparées, ils déploient la même finesse et offrent les mêmes améliorations musicales significatives. Dans un univers où essayer de récupérer et de recomposer un signal mémorisé est à la fois une tâche et un défi, Neodio a démontré une grande habileté à résoudre les problèmes mécaniques et électriques en jeu.
Par ailleurs, j’ai testé les supports B1 dans d’autres positions : au-dessus des enceintes, sur le châssis des équipements et, à l’endroit le plus révélateur, sur le meuble de première réverbération et sur le plancher s’étendant entre le support avant des enceintes. Dans la plupart des cas, le positionnement d’un support B1 s’est effectivement traduit par une différence audible. Cette différence s’est révélée pertinente ou musicalement décisive à des degrés variables, traduisant parfois la distance entre le support B1 et la trajectoire du signal, toutefois l’impact généré par un seul support Origine placé au centre du plancher s’est révélé tout à fait remarquable, donnant vraiment matière à réflexion. De même, le positionnement des supports sur des surfaces réverbérantes, à l’arrière ou autour du système, a également produit des différences audibles parfaitement nettes. Neodio n’est peut-être pas la première entreprise à s’intéresser à l’effet que les vibrations mécaniques parasites produisent sur le transfert de signal et la performance du système, mais leur approche met en évidence qu’au-delà des composants individuels, du système et de ses supports, la pièce d’écoute et les éléments qui la composent doivent être appréhendés comme une seule et même entité. Grâce à cette seule prise de conscience, les heures passées avec le système Neodio acquièrent un sens qui sublime le simple intérêt musical. Mais, au bout du compte, seules les ventes intéressent les composants audio et leurs fabricants. Dans cette perspective, Neodio risque d’afficher des résultats insuffisants, surtout au regard de la qualité de leurs équipements et de leurs performances musicales, mais ce pourrait (et devrait !) bien être sur le point de changer.
L’Origine S2 de Neodio est le meilleur lecteur CD que je connaisse. En réalité, soyons clair, d’un point de vue musical, je ne connais pratiquement pas de meilleur lecteur CD, indépendamment du prix ou de la complexité, il est équipé par ailleurs d’une entrée USB très performante. Le champ d’opération de l’amplificateur A2 est beaucoup plus vaste que celui de son frère le lecteur CD, avec une plus grande diversité d’équipements partenaires et de contraintes fonctionnelles compatibles. Pour cette raison, il fait face à une concurrence plus accrue et la correspondance avec les systèmes demande une attention particulière. S’il n’atteint pas le même niveau de supériorité musicale universel que celui du lecteur CD, c’est uniquement en raison du contexte relativement plus étroit dans lequel il évolue. Mais il possède toutes les qualités universelles dont un amplificateur puisse rêver, en termes de compatibilité d’enceintes tout du moins et aussi longtemps que ses options d’entrée et de sortie minimalistes vous conviennent, il constitue lui aussi une formidable opportunité grâce à sa performance musicale.
Utilisez le lecteur CD et l’amplificateur ensemble, avec les câbles et les supports B1 et vous obtiendrez une authentique performance haut de gamme à un coût correspondant de nos jours aux premiers prix de nombreux composants individuels haut de gamme. Mais surtout, au-delà de l’écosystème qui les englobe, les produits Neodio se définissent comme un système confiné qui vous garantit la performance attendue si vous parvenez à entrer dans le cercle. Bien évidemment, vous pouvez toujours rater le positionnement des enceintes (si vous ignorez l’intelligence de vos oreilles) ou souffrir d’une très mauvaise acoustique, mais la chaîne Neodio ne laisse pratiquement rien d’autre au hasard. En effet, alors que je ne qualifierais jamais leur son de tubulaire, mais leur capacité à associer présence et autorité et leur faculté à restituer les changements dans la densité et la dynamique musicale, à maintenir la couleur et le flux tout en offrant la transparence, la mise au point, la résolution du détail et la discrimination dynamique normalement associées aux designs à semi-conducteurs, démontrent bien que ce système est le trait d’union parfait entre les tubes et les transistors, possédant des attributs musicaux fermement implantés dans un camp comme dans l’autre. Est-ce une nouvelle définition de la neutralité ? Sans doute pas, mais il s’agit peut-être d’un concept plus utile que celui de neutralité, tout du moins pour la compréhension du fonctionnement des systèmes et de leur communication à un niveau musical.
Indépendamment de toute autre considération audio, s’il y a bien un domaine dans lequel l’installation Neodio excelle, c’est la communication, un art qui tend à disparaître dans le monde de la haute-fidélité. Neodio n’est pas un simple système que vous achetez et dont vous vous délectez avec plaisir. En effet, il s’agit d’un système qui nous donne aussi à apprendre. Avec de plus en plus de systèmes offrant encore plus d’équipements pratiques et fonctionnels, rappelons que la performance musicale reste la priorité absolue.
Équipements associés
- Analogique : Platine AMG Giro avec bras de lecture 9W2 et platine Kuzma Stabi M avec bras de lecture 4Point ; cellules Fuuga, Kuzma CAR-50, Lyra Etna et Dorian ; cellule DS Audio DS-W1 avec équaliseur correspondant ; étages phono CH Precision P1/X1 et Connoisseur 4.2.
- Digital : Lecteur CD Wadia S7i, transport CD CEC TL-5, DAC Wadax Pre 1 Ultimate.
- Préamplificateurs : CH Precision L1/X1, Connoisseur 4.2 LE.
- Amplificateurs de puissance : Monoblocs Berning Quadrature Z ; amplificateurs stéréo VTL S-400 Series II Reference et CH Precision M1.
Haut-parleurs : Raidho XT5. - Câbles : Câblage complet constitué de RCA Nordost Odin 2 de la prise d’alimentation électrique jusqu’aux branchements des enceintes. Distribution de la puissance à travers Quantum Qb8s, avec un mélange de purificateurs de puissance Quantum Qx2 et Qx4 et des harmoniseurs de ligne Qv2. Systèmes de mise à la terre CAD Ground Control et Nordost Qkore.
- Supports : Racks HRS RXR avec plateaux MXR et étagères R, accessoires coupleurs et plaques d’amortissement Vortex et Nimbus.
- Traitements acoustiques : J’ai non seulement utilisé les absorbeurs sonores placés derrière mon siège d’écoute, mais aussi une combinaison de dispositifs acoustiques RPG Skyline et RoomTunes.
- Accessoires : Les accessoires indispensables incluent le protactor SMARTractor, un microscope numérique (pour que je puisse voir ce que je fais et non pour essayer de mesurer l’angle d’inclinaison stylus), un démagnétiseur pour cellule phono Aesthetix, un niveau à bulle laser de précision, un mètre ruban très, très long et une quantité considérable de ruban de masquage peu adhésif. J’ai également fait un usage intensif des dispositifs démagnétiseurs et antistatiques Furutech et de la machine ultrason à nettoyer les disques Kuzma. L’application Dr. Feickert Platter Speed est sans doute le meilleur exemple du digital portant secours à l’analogique.
par Roy Gregory | Le 14 novembre 2018
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Novembre 2018
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